Donner des suppléments d'oméga-3 aux enfants pour améliorer leur concentration et leur capacité d'apprentissage... L'idée peut séduire, mais attention, il y a quelques bémols.
La petite gélule d'huile de poisson semble inoffensive. La troquer contre les deux ou trois repas de poisson recommandés chaque semaine est tentant. Mais dans les faits, les études disponibles ne répondent pas à toutes les questions.
Quelle dose donner aux enfants ? Quels sont les effets après plus de trois mois de traitement ?
Même les auteurs de l'étude britannique Oxford-Durham sur les bienfaits de la prise d'oméga-3 chez les enfants croient qu'il faut pousser plus loin les recherches.
Pour Nathalie Jobin, docteure en nutrition, les oméga-3 provenant du poisson que l'on mange sont nettement plus efficaces.
«On est en train de remplacer une bonne alimentation par des pilules !»
En France, le président de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments va plus loin, qualifiant les oméga-3 en gélule de «tromperie du consommateur».
«Ces compléments alimentaires sont une affaire commerciale qui ne répond pas à une demande nutritionnelle des professionnels», rapportait le journal Le Monde en mai dernier.
Affaiblit le système immunitaire
«Personne n'en parle, mais des études ont prouvé que l'abus d'oméga-3 diminue les fonctions du système immunitaire chez les animaux, c'est donc un immunosuppresseur. Oui, notre alimentation présente des carences en oméga-3, mais le danger, actuellement, est d'aller dans l'autre extrême et d'en prendre trop», précise Nathalie Jobin, du Centre de référence sur la nutrition humaine de l'Université de Montréal.
Il faut aussi savoir que les oméga-3 éclaircissent le sang, ce qui est problématique en cas d'hémorragie, souligne-t-elle.
Et pour les enfants qui n'ont pas accès à une bonne alimentation, les suppléments d'oméga-3 sont-ils un raccourci valable ? Nathalie Jobin demeure prudente :
«C'est prometteur, mais il y a encore des choses à savoir», conclut-elle.
Une alternative au Ritalin ?
Plusieurs prétendent que les oméga-3 peuvent être une alternative sérieuse au Ritalin dans le traitement de l'hyperactivité. Des chercheurs de l'hôpital Sainte-Justine sont justement sur le point d'explorer cette piste.
«Pour l'instant, on croit que les oméga-3 peuvent être efficaces chez les enfants hyperactifs, mais nous n'en sommes pas certains», explique Michel Vanasse, pédiatre à l'hôpital Sainte-Justine. Ce médecin spécialisé dans le traitement du trouble de déficit d'attention (TDA) sera le principal chercheur de l'étude qui s'amorce sur les oméga-3 dans le traitement de l'hyperactivité.
Les recherches seront menées auprès de 37 enfants atteints du TDA et les résultats devraient être connus vers le début de l'été 2006. «Aux parents qui veulent déjà donner des oméga-3 à leur enfant plutôt que du Ritalin, je ne donne pas de faux espoirs. Nous n'avons pas de preuve que c'est véritablement efficace», souligne le pédiatre.
L'étude menée par l'hôpital Sainte-Justine est la deuxième portant sur les oméga-3. Le CHUM annonçait, il y a deux semaines, une vaste recherche sur les oméga-3 dans le traitement de la dépression.
Fait à noter, l'étude du CHUM et celle de l'hôpital Sainte-Justine sont toutes deux en partie subventionnées par des laboratoires qui fabriquent et distribuent des suppléments d'oméga-3.
