Cette importance accordée au poivre est d'autant plus méritée que la recherche des dernières années a permis de montrer que cette épice joue un rôle central dans la prévention du cancer en favorisant l'absorption de plusieurs molécules anticancéreuses.
Une même plante, trois poivres différents
Le poivre est le fruit du poivrier (Piper nigrum), une liane grimpante qui est principalement cultivée en Inde et dans le Sud-Est asiatique. Les trois principaux types de poivre utilisés en cuisine (noir, vert et blanc) sont en réalité le même fruit, mais récolté à divers degrés de maturité :
Poivre noir : Le plus consommé à l'échelle mondiale, le poivre noir est récolté lorsque les baies de poivre deviennent rouges. En séchant, l'enveloppe des baies se ride et acquiert leur couleur noire caractéristique. C'est le plus piquant de tous les poivres.
Poivre vert : Le poivre vert est récolté bien avant la maturité du fruit. Moins piquant que le poivre noir, le poivre vert est cependant très aromatique et a un goût fruité.
Poivre blanc : Le poivre blanc est produit en enlevant l'écorce des grains de poivre très mûrs. C'est un poivre peu piquant mais au goût subtil.
La pipérine, une molécule «en feu»
La saveur piquante si caractéristique du poivre provient de son contenu élevé en pipérine, une molécule complexe qui peut représenter jusqu'à 10 % du poids total des grains. Cette sensation de brûlure est due à l'interaction de la pipérine avec une protéine nommée TRPV1 (transcient receptor activated vanilloid-1), un récepteur qui est également impliqué dans la sensibilité à diverses molécules «chaudes» comme la capsaïcine des piments de Chili, le gingérol du gingembre ou encore à l'eugénol des clous de girofle et des noix de muscade.
Mais beaucoup plus qu'une molécule qui rehausse le goût, la pipérine joue également un rôle très important dans la prévention du cancer en influant de façon spectaculaire sur l'absorption de certaines molécules anticancéreuses présentes dans l'alimentation.
Poivre et curcuma, une combinaison gagnante
Le meilleur exemple de l'effet remarquable de la pipérine sur l'absorption de substances d'origine nutritionnelle est sans doute son influence sur la biodisponibilité de la curcumine, une puissante molécule anticancéreuse et anti-inflammatoire présente dans l'épice indienne curcuma.
Notre organisme possède plusieurs systèmes qui participent à l'élimination des substances étrangères, que ce soit des médicaments ou encore des molécules associées à la nourriture quotidienne. Si ces systèmes sont essentiels pour nous préserver des effets néfastes de plusieurs substances, il reste que dans certains cas, cette activité d'élimination a des effets négatifs, car elle empêche certaines molécules d'atteindre des concentrations suffisantes pour exercer leurs effets bénéfiques.
Dans le cas de la curcumine, c'est exactement ce qui se produit : dès son arrivée dans l'intestin, la molécule est rapidement modifiée par une enzyme appelée UDP-glucuronosyl transférase, ce qui provoque son élimination avant d'avoir pu exercer ses nombreux effets anticancéreux et anti-inflammatoires.
Cependant, en présence de poivre (et donc de pipérine), l'activité de la UDP-glucuronosyl transférase est bloquée, ce qui permet à la curcumine d'être mieux absorbée. Cet effet de la pipérine est tout à fait remarquable, car elle augmente de près de 2 000 % la quantité de curcumine dans le sang, permettant à celle-ci d'atteindre du même coup une concentration suffisante pour produire ses effets.
Cet heureux mariage de la pipérine et de la curcumine n'est pas un cas isolé : en effet, la pipérine améliore l'absorption de plusieurs autres molécules présentes dans notre alimentation, notamment la b-carotène (essentielle à la fabrication de la vitamine A), le sélénium ainsi que l'EGCG, la principale molécule anticancéreuse du thé vert.
La pipérine est donc un bon exemple de molécule qui, sans avoir d'activité anticancéreuse par elle-même, peut néanmoins exercer une influence déterminante sur le potentiel anticancéreux d'autres molécules de notre alimentation.
Conseils
Préférez le poivre en grains que vous pourrez moudre fraîchement, vous pourrez ainsi profiter au maximum de son goût unique et des propriétés de la pipérine. Le poivre moulu s'évente rapidement et perd la majeure partie de ses caractéristiques après seulement 2-3 mois d'entreposage.
Poivrez au dernier moment avant de servir, car le poivre perd beaucoup de saveur à la cuisson prolongée.
Préférez le poivre en grains.