Automutilation: un violent message

ÉCRIT PAR: , 2010-03-16 17:15:00

Qu’elle soit secrète ou exposée en plein jour et provocatrice, l’automutilation interpelle les autres avec violence.

«Personne ne peut rester indifférent», affirme le Dr Guy Tremblay, chef du département de pédopsychiatrie au CHUQ. «On voyait le désarroi des parents dans l’émission La galère et ce n’est pas du tout exagéré. Les parents sont dépassés par cette situation et sont convaincus que ça va vers un geste parasuicidaire.»

Comme le phénomène n’est étudié que depuis une quinzaine d’années, les connaissances évoluent de mois en mois et les opinions scientifiques changent. «Les recherches démontrent maintenant que les jeunes qui ont des comportements autoblessants sont plus à risque de développer des tendances suicidaires. Nous ne le savions pas il y a cinq ans», remarque la Dre Nancy Heath, professeure à l’Université McGill et chercheuse pour le programme de l’Université Cornell, dans l’État de New York.

D’autres études ont révélé que l’automutilation était considérée comme un moyen d’éviter le suicide. «En clinique, les jeunes nous disent qu’ils ne voulaient pas mourir», note le Dr Tremblay.

Néanmoins, des jeunes passent le message et les intervenants s’entendent: il faut réagir sans délai, mais éviter de dramatiser. «Souvent, c’est passager. Ces comportements se situent dans la période de l’adolescence et ils signifient quelque chose. Il faut les prendre au sérieux, mais pas dramatiser d’emblée. Il faut voir ce qu’il y a derrière ce symptôme, un peu comme lorsqu’un bébé a de la fièvre: est-ce le symptôme d’une infection virale bénigne ou celui d’une leucémie?», note la Dre Patricia Garel, psychiatre au CHU Sainte-Justine.

«En soi, s’automutiler, ce n’est pas normal. Il y a un indice de souffrance, mais ça ne veut pas dire que l’enfant aura besoin de soins psychiatriques, de médicaments, etc. Ce qu’il faut, c’est ne pas dramatiser, mais reconnaître le problème. Si vous voyez que votre fille se coupe, il ne faut pas faire comme si vous ne l’aviez pas vue», appuie la spécialiste.

La psychiatre considère qu’il est important de ne pas critiquer, de ne pas juger. «Je dis à mes patients qu’en tant que médecin, il faut que je les aide à trouver d’autres solutions parce que ce qu’ils font est dangereux, mais je reconnais d’abord avec eux que se mutiler était le moyen qu’ils avaient trouvé pour canaliser leur détresse quelle qu’en soit l’origine.»

Ça se traite?

Est-ce que ce symptôme se traite? «Oui», affirme la Dre Garel et le Dr Tremblay. «Il faut comprendre ce qui se passe pour traiter à différents niveaux. Le traitement va être adapté à l’évaluation de la situation qu’on en fait», dit le Dr Garel.

«Une médication peut être utilisée pour la condition sous-jacente, mais pas directement pour l’automutilation. Certains antidépresseurs peuvent paradoxalement l’augmenter», ajoute-t-elle.

Éventuellement, le jeune comprendra que ce qu’il fait est risqué et qu’il y a d’autres façons de s’exprimer qui lui permettront de reprendre sa vie en main et de retrouver son équilibre.

La «guérison» − ou plutôt la disparition du symptôme − dépend de la condition médicale sous-jacente du jeune patient. «Progressivement, on mature et on expérimente des moyens de prendre le contrôle de ses affects», assure le Dr Tremblay. «L’automutilation a tendance à s’atténuer passé 20-22 ans, quand ce n’est pas relié à une maladie mentale.»


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